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« Je n'accepte pas l'idée qu'on ne puisse pas aider les gens qui ont envie de faire l'amour. C'est terrible quand même ! »

30 mars 2016

Il s'érige contre le désarroi sexuel des handicapés

Fabrice Flageul prône le bien-être sexuel pour tous. Il est devenu masseur pour procurer du plaisir. Il propose des séances naturistes et tantriques pour aller au-delà. Il y a quelques mois, il a encore franchi une étape. A 51 ans, il est devenu accompagnant sexuel pour handicapé.
Ecoutez l'article raconté par Jean-Baptiste Menanteau, journaliste

Parce qu'entendre une histoire est plus intense pour certains que la lire, XXIe Sexe propose une version audio de chaque récit. Ils sont lus par des comédiens en formation en écoles de théâtre, dont la Comédie-Française.


Il est masseur. Du sensuel au tantrique, il arrive même à Fabrice Flageul de pratiquer la finition. Aux yeux de la loi, il se prostitue. « Peut-être, mais c'est légal », souffle-t-il, fier. Depuis quelques mois, une nouvelle activité fait de lui un homme qui s'adonne à des actes charnels contre de l'argent. Fabrice est accompagnant sexuel pour personnes handicapées.

Ce Lyonnais de 51 ans a suivi la formation de l'APPAS, l'association pour la promotion de l'accompagnement sexuel. Elle est la seule organisation française qui propose de former des adeptes de l'accès à la sexualité pour tous pour qu'ils deviennent professionnels. Depuis, il n'a eu qu'une demande concrète, celle de Sylvie. « Il faut dire que beaucoup plus d'hommes recourent, ou plutôt osent recourir à l'assistanat sexuel », lâche Fabrice.

L'association les a mis en contact. Le processus veut que demandeur et accompagnant se rencontrent une première fois, pour discuter. Entre Fabrice et Sylvie, ce sera un simple mais long coup de téléphone. Elle habite à Paris.

Elle voulait du sexe. Pas de l'affection. Sylvie est pleine d'entrain et en vient très vite à ce qu'elle attend de ce rendez-vous. Elle l'avait vu en photo et vidéo sur le site de l'APASS. Elle savait qu'il lui plaisait physiquement. Lui n'avait aucune certitude. Ni de la désirer, ni d'avoir une érection. « Je suis sure qu'on va réussir », lui a-t-elle soutenu avec tant de conviction qu'il ne pouvait qu'accepter. Fabrice part alors à Paris pour 24 heures.

Et soudain, tous les à priori physiques explosent


Le Lyonnais est arrivé la veille au soir. « Ce n'était pas forcément une bonne idée », confie Fabrice après réflexion avant d'ajouter : « il était difficile de créer du désir dans un tel univers. » Petit appartement dans un HLM et lit médicalisé de 90 cm de largeur : « pas très glamour » pour cet homme très sensible à la sensualité et à son bien-être.

Ils ont tout de même fait l'amour des heures durant, en plusieurs fois. Pourtant, il avait peur de l'approche. Mais elle était si motivée et si naturelle. Sylvie parlait crûment, sauvagement. « Prends-moi », lui criait-elle dès le début de leurs ébats. Fabrice, un peu décontenancé au début, a ensuite senti une chimie sexuelle avec cet être.

Les deux amants ne se sont pas embrassés une seule fois. Elle voulait juste sentir un homme en elle. Un homme qui la respecte. « J'ai eu plus de plaisir avec cette femme qu'avec certaines bombes avec qui j'ai fait l'amour. » Sylvie n'est pas ce qu'on peut appeler une bombe, au physique splendide selon les critères beauté du moment. Jambes non entièrement formées, très serrées, corps tordu, spasmes réguliers : seul le haut de son corps paraît intacte. Fabrice se confie. « Je reconnaissais l'anatomie d'une femme par sa poitrine, son sexe, mais c'était dur de la regarder au début. »



La levrette est devenue leur position phare. Les malformations de la quadragénaire ne permettent pas toutes les positions. Au bout d'un moment, Fabrice repère un triangle, au dessus de son lit. Fonction initiale : aider Sylvie à se hisser hors de son matelas. Fonction à cet instant : un appui pour l'accompagnant, pendant que l'autre main tient le corps féminin qui se donne à lui. « Je pense que je n'aurais jamais pu lui faire l'amour il y a dix ans, lâche-t-il, cela aurait trop traumatisant pour moi. »

D'ailleurs, beaucoup des amants de cette parisienne ne s'en sont pas sentis capables. Sylvie a été en couple avec un homme lui aussi handicapé. Depuis leur séparation, elle navigue sur des sites de rencontres, à la recherche d'amants qui assouviront ses besoins. Mais en voyant son corps, ils disent non. Pas de pénétration. « Leur échange se résument à une fellation, eux jouissent dans sa bouche et repartent », raconte Fabrice, qui retrace ses heures de confidences avec sa « cliente ». Sylvie lui avait demandé dès leur première conversation téléphonique de sucer son sexe. Elle avait peur. On l'avait forcé tant de fois. « Elle n'avait jamais vécu cet acte comme beau, sensuel et complice. » Ils y sont allés tendrement. Pour la première fois, elle n'assimilait plus fellation à traumatisme.

Honorer des corps abîmés


« Le lendemain, elle avait mal partout », s'amuse Fabrice. Elle voulait recommencer encore et encore. Profiter de cette journée unique où l'homme prendra du temps pour la masser, la caresser, et glisser son sexe en elle, dans son vagin et son anus. Elle voulait tout faire pour sentir son corps honoré. Fabrice, lui, aime s'appliquer. Contrôler son geste au millimètre près. Attendre que la femme prenne du plaisir avant d'éjaculer en elle. Et parfois, se retenir, pour mieux recommencer quelques temps après.

Pour lui, c'était une première. Il n'avait eu alors qu'une formation de quatre jours. Les deux premiers, l'aspect juridique est abordé. « J'ai appris à ce moment que j'étais considéré comme prostitué et l'association comme proxénète puisqu'elle met en relation demandeur et offrant. » Les deux suivants, leçon sur les handicaps et ce qu'ils induisent comme limite. Pour l'instant, les accompagnants sont seulement formés aux déficiences physiques. La prochaine session devrait abordée les troubles psychiques. Ce qui effraie Fabrice. « Avec Sylvie, je me fiais à son regard, je sentais sa personnalité », confie-t-il. Il craint de ne rien voir dans les yeux d'un handicapé mental. « Si l'occasion se présente, j'irai quand même parce que dans ma vie j'ai envie de tout tester. »

Jusque là, ses seules rencontres avec des personnes invalides se sont faites via le massage. A commencer par son premier client. « C'était il y a 26 ans... », commence Fabrice. Un homme avec un bras non entièrement formé est venu à son cabinet. « En 35 ans de mariage, sa femme n'avait pas touché ce membre une seule fois. » Fabrice réalise de l'aide psycho-corporelle. En bref, « c'est comme aller au psy sauf qu'on travaille sur le corps, et non le psychique ou la parole. »

Il avait déjà entendu parlé des accompagnants sexuels. Mais seulement à l'étranger. D'abord il y a une vingtaine d'années à travers un reportage dans un pays scandinave. Puis il avait suivi les initiatives dans les pays alentours. Sa compagne, Christelle, a découvert la formation en France. Sexothérapeute, elle veut la faire. Problème d'agenda. Elle propose alors l'idée à Fabrice. Il a tout de suite approuvé : « je n'accepte pas l'idée qu'on ne puisse pas aider les gens qui ont envie de faire l'amour, lance-t-il, c'est terrible quand même ! »


Bisous, câlins, pénétration : il fait tout


Depuis des années, il espérait qu'il y ait une initiative comme celle-ci. Il a conscience que c'est un coût : plus de 100 euros l'heure, hors frais de déplacement. Lui aimerait le faire bénévolement. Parce que sexualité et sensualité riment avec équilibre humain pour cet homme. Pour l'association, pas question. Les prestations sont payantes car elle souhaite que l'activité soit reconnue comme un métier. Il comprend.

S'il n'a eu qu'une seule demande d'une personne handicapée, d'autres femmes sont venues à lui. Des septuagénaires d'abord, en l'entendant dans l'un des médias où il est intervenu. « D'ailleurs elles embrassent très bien », confie-t-il, le regard malicieux. Et plus récemment, une femme de 40 ans l'a contacté. Aucune particularité, aucun handicap. Elle fait très rarement l'amour car elle ne trouve pas d'hommes qui lui conviennent. « Elle ne savait pas à qui s'adresser, elle en est venue à faire appel à un professionnel. » Pour Fabrice, elle est dans la même situation que les personnes invalides : « elle est en désarroi affectif et sexuel. » C'est pour cette raison qu'il adhère à l'APPAS. Le président, Marcel Nuss, veut mettre en avant le handicap pour faire reconnaître la profession mais compte ensuite venir en aide à toute personne qui en a besoin et envie.

Fabrice, lui, est prêt à aider tous les types de demandeurs. Avec le soutien de sa compagne. Tous deux sont libertins. Ils ne croient pas en la fidélité, « comme on l’entend ici au niveau culturel », sur le plan sexuel. Homme, femme, plan à plusieurs : il veut tout essayer. Une profonde curiosité l'anime. Même si depuis qu’il a sa fille, née il y a trois ans, il a moins d’énergie et de temps pour ces maîtresses.

Toutes ces pratiques lui montrent ses limites dans le cadre de l'accompagnement. « Je pense que j’aurais des difficultés avec un homme handicapé, affirme-t-il, je ne me sens pas encore prêt. » De même, il n’aime pas la violence. Il ironise : « J’ai déjà du mal à claquer une fesse quand on me le demande. »  Pour le reste, pas de barrière : bisous, câlins, pénétration. Il veut vivre ces moments de partage à fond.

« J’ai souffert de ne pas pouvoir faire l’amour autant que j’en avais envie. » Quand il était plus jeune, il n’était pas non plus une bombe. Il n’avait pas de copine. Il avait besoin de sexe. Et se masturbait deux fois par jour, minimum. « Ce n’est pas pour rien que je suis devenu masseur. » Il a la douceur dans la peau. Le sexe dans la peau. Il donne du plaisir. L’accompagnement sexuel n’est qu’un pas de plus vers son bien-être. Et vers celui des personnes handicapées.

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Thank you so much for this arielct, it saved me time!


Gohier Annie

Cc Fabice je viens de lire tout ce que tu fais et je te dis bravo......???? Bon courage !!!!!! Bisous


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